Le Hartmannswillerkopf, site emblématique de la relation franco-allemande en Alsace
Théâtre d’affrontements entre la France et l’Allemagne durant la Première Guerre mondiale, le Hartmannswillerkopf (également appelé Vieil Armand) est devenu un site emblématique de la réconciliation et de l’amitié entre ces deux pays. Principal champ de bataille sur le Front des Vosges, il reflète aujourd’hui les spécificités de l’histoire alsacienne, terre de l’entre-deux à la confluence de deux nations déchirées entre 1870 et 1945. Au lendemain du conflit, ce champ de bataille de moyenne montagne [1] est progressivement devenu un haut-lieu du souvenir au niveau local, national mais également international. Au fil des ans, c’est un véritable triptyque mémoriel qui s’y est constitué.
La principale composante de cet ensemble est le champ de bataille. Musée à ciel ouvert, il est le reflet de l’art de la fortification mais aussi des difficultés que les deux camps ont eu à surmonter pour prendre possession de la montagne entre 1914 et 1918. Afin de le préserver, un classement au titre des Monuments Historiques a été prononcé dès le mois de février 1921, une première en France pour un lieu de combat de la Grande Guerre [2].
Au cours de l’entre-deux guerres, le site s’est également enrichi d’une dimension mémorielle. La création de la nécropole nationale du Silberloch [3] y marque le début de la mise en place de tout un ensemble commémoratif. C’est durant cette période que le Hartmannswillerkopf est élevé au rang de monument national de la Grande Guerre [4] par la volonté des anciens combattants, aux côtés des autres sites emblématiques que sont Douaumont, Notre-Dame-de-Lorette et Dormans. Conçue par l’architecte Robert Danis, en relation avec le sculpteur Antoine Bourdelle, cette construction d’envergure se compose d’un autel de la patrie laïc doublé d’une crypte consacrée aux trois cultes concordataires en Alsace, prévue à l’origine pour accueillir sous un bouclier de bronze les dépouilles des combattants inconnus relevés sur le terrain. L’ensemble est complété par une croix monumentale, mise en place en 1931 sur ce sommet situé à près de 1 000 mètres d’altitude [5].
A partir de 2009, différentes actions ont été entreprises à l’initiative du Comité du Monument National du Hartmannswillerkopf (CMNHWK). La première a été la restauration du monument national, un chantier d’envergure qui a duré près de quatre ans. En 2014, le champ de bataille a également été doté d’un parcours scénographié de 4,5 kilomètres [6], intégralement sécurisé pour permettre aux visiteurs de découvrir le site en autonomie.
Cet ensemble a été complété en 2017 avec l’ouverture de l’Historial franco-allemand de la Grande Guerre [7], première structure intégralement bilatérale dédiée à ce conflit et à sa mémoire [8]. Symboliquement, sa première pierre a été posée le 3 août 2014 par les Présidents Gauck et Hollande à l’occasion du lancement des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale. L’Historial a officiellement été inauguré par les Présidents Macron et Steinmeier le 10 novembre 2017. La création de ce centre d’interprétation a véritablement permis au Hartmannswillerkopf d’affirmer son statut de lieu de mémoire international.
L’Historial est le reflet des multiples facettes de ce site où sont désormais associés histoire, souvenir, mémoire mais également pédagogie. La volonté du CMNHWK, tout au long de ce chantier de valorisation qui a duré près de dix ans, a en effet été de donner à l’ensemble des visiteurs, et des scolaires en particulier [9], des clés de compréhension. Ainsi, les opérations militaires en moyenne montagne, caractéristiques du front des Vosges, y sont non seulement présentées à travers le prisme de l’expérience des combattants, mais elles sont aussi replacées dans le contexte général des tensions qui ont marqué le début du XXe siècle à travers le monde.
Porte d’entrée sur le site mémoriel, ce centre d’interprétation est un lieu résolument contemporain, nourri du passé mais avant tout tourné vers l’avenir. Cette construction discrète, se fondant dans son environnement forestier, fait office de trait d’union entre le champ de bataille, le monument national et la nécropole. L’Historial n’est pas un musée, mais un lieu d’histoire et de mémoire invitant à découvrir le site dans sa globalité. Une immersion par l’image et le témoignage permet d’introduire ou de prolonger l’expérience de visite totale que représente la découverte du champ de bataille. Le sentier scénographié aménagé sur le champ de bataille permet ensuite aux visiteurs de parcourir des tranchées et de découvrir vestiges parfaitement conservés, en se replaçant ainsi dans les pas des combattants français et allemands qui se sont affrontés sur cette montagne. La découverte du site dans son ensemble offre des possibilités multiples et complémentaires pour se plonger dans cette période complexe, tout en s’interrogeant sur des problématiques contemporaines. Le Hartmannswillerkopf est aujourd’hui non seulement un lieu de visite, mais aussi un lieu d’échanges et d’interactions. Une borne mémoire collaborative, recensant victimes et témoins des combats de 1915, a notamment été mise en place pour permettre aux visiteurs de devenir acteurs de leur visite en aidant à enrichir son contenu.
Grâce à l’action d’un enseignant relais, la dimension pédagogique du site a également été renforcée au fil des ans. Cela a dans un premier temps pris la forme d’actions ponctuelles, telles que des cérémonies, des ateliers scolaires [10] ou des formations [11]. En 2019, de nouveaux outils seront à la disposition des classes accueillies au Hartmannswillerkopf. Outre la mise en place de livrets pédagogiques, le CMNHWK finalise actuellement un projet de tranchée archéologique pédagogique et développe une application bilingue pour tablettes [12].
Depuis l’ouverture de l’Historial, le 3 août 2017, le public français mais également germanophone a été au rendez-vous. Les 80 000 visiteurs accueillis au cours des deux premières saisons ont été largement séduits par cette nouvelle approche contemporaine de l’Histoire de la Grande Guerre. Le centenaire de ce conflit, et les nombreuses commémorations qui l’ont accompagné sur le Front des Vosges, a permis de constater que la mémoire de cette période n’est pas une langue morte, mais bien une réalité au quotidien.
Florian HENSEL
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