Avant le drame de 1940, clairement exposé à la fin de cet ouvrage, il y eut le drame de 1939 marqué par la signature du pacte germano-soviétique et l’entrée en guerre qui suivit tout de suite après.
Dans les deux cas, l’auteur s’est retrouvé au coeur des événements : en 1940, parce qu’il était membre de l’état-major de Gamelin, le « placide et timoré » commandant en chef des armées françaises qui, au matin de l’offensive allemande du 10 mai, « arpentait le couloir de [sa] casemate en chantonnant à mi-voix avec un air martial et satisfait » ; en 1939, parce qu’il faisait partie de la mission militaire franco-britannique envoyée à Moscou pour négocier d’urgence un accord de défense contre le Reich.
A côté de souvenirs personnels qui ne prennent qu’une part somme toute assez réduite de l’ouvrage, l’auteur livre de nombreuses analyses pertinentes mais désormais quelque peu datées car la première édition de l’ouvrage remonte à 1965 et on a depuis beaucoup écrit sur les causes de l’effondrement de 1940.
Outre pour certaines de ses anecdotes, le livre vaut cependant toujours aujourd’hui pour son récit passionnant des négociations manquées avec les Soviétiques.
Où l’on voit que les chefs de la mission britannique n’étaient certes pas des "premiers de la classe" et que leur gouvernement ne leur avait donné aucun véritable pouvoir de décision !
Où l’on voit aussi que, malgré les demandes insistantes des Soviétiques, les chefs des missions britannique et française furent incapables de garantir que leurs alliés polonais et roumain laisseraient passer l’Armée rouge sur leur territoire pour affronter la Wehrmacht.
Ainsi que le souligna logiquement Vorochilov (le chef de la mission militaire soviétique) : « Est-ce possible que nous soyons obligés de quémander le droit de nous battre avec notre ennemi commun ? »
Tout cela moins d’un an après la conférence de Munich d’où l’URSS avait été exclue.
On serait méfiant à moins !
Sans justifier le pacte germano-soviétique - comment justifier l’alliance cynique de la carpe et du lapin ? - l’auteur pointe avec une cruauté involontaire l’incohérence des politiques étrangères française et britannique qui y ont conduit.
Comme il le rappelle quelque part ailleurs dans son ouvrage, un Etat paye toujours la note de ses lâchetés et de ses erreurs.
Cette leçon est toujours valable pour nous aujourd’hui.
Franck Schwab
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