L’annonce que vient de faire le Ministère de l’abandon des Epreuves Communes de Contrôle Continu dans l’architecture du nouveau baccalauréat dès sa session 2022 est une mesure de bon sens que nous avions préconisée dès l’an passé dans un précédent éditorial ("Savoir abandonner les E3C").
Avec cette mesure, tout change et rien ne change.
Rien ne change car le nouveau bac reposera toujours sur 40 % de contrôle continu et 60% d’épreuves finales.
Tout change parce que la notation des 40 % de contrôle continu dépendra désormais entièrement des professeurs qui auront les élèves en charge dans leurs classes.
Ce changement marque la fin d’une ambition : le traitement égalitaire des candidats d’un établissement à l’autre et, à l’intérieur de chaque établissement, d’une classe à l’autre dans l’évaluation du contrôle continu puisqu’une partie de la notation des élèves dépendait jusque là d’enseignants qui n’étaient pas ceux de la classe ou de l’établissement.
Mais ce traitement égalitaire était plus apparent que réel car qui peut dire que la "hiérarchie" entre les classes et les établissements en était vraiment corrigée, sinon bouleversée ?
Surtout, cette volonté - louable - de traitement égalitaire présentait de nombreux inconvénients qui faisaient des E3C, à l’usage, un véritable carcan pour l’administration, pour les élèves et pour nous-mêmes.
Carcan pour l’administration d’abord, car la mise en oeuvre des épreuves communes dans la période qui a précédé la crise du Covid s’est avérée de toute évidence énergivore, chronophage et très complexe. Même s’il ne s’agissait encore que "d’essuyer les plâtres" , les nombreux incidents qui ont émaillé la première session de janvier-février 2020 l’ont amplement démontré.
Carcan pour les élèves ensuite, car l’instauration des E3C les mettaient en situation permanente d’examen à partir du deuxième trimestre de la classe de Première avec tout le stress que cela implique. Si cette situation est normale pour des élèves de Terminale qui doivent se préparer aux études supérieures, elle l’est beaucoup moins pour des élèves de Première qui ont un niveau de maturité intellectuelle nettement moindre - à un an d’écart, la différence reste frappante - et qui devaient faire la preuve de leurs compétences alors même qu’ils étaient toujours en phase d’acquisition de celles-ci.
Carcan pour les professeurs enfin, car les sujets des épreuves communes que l’administration de l’établissement devait choisir dans une base de données, après propositions des équipes pédagogiques, étaient souvent très détaillés - le plan de la question problématisée étant indiqué aux élèves en classe de Première - ce qui nous obligeait à aborder quasiment tous les mêmes études de documents, à faire tous cours de la même façon et, les E3C revenant deux fois dans l’année, à marcher tous au même pas, à l’instar d’une armée de "petits soldats". Outre à un surcroît de stress que nous subissions comme les élèves, on arrivait ainsi à un "formatage" de l’enseignement de l’histoire-géographie qui aurait fait pousser les hauts cris à nos collègues philosophes s’ils l’avaient vécu ! Or, comme en philosophie et comme dans toutes les disciplines, la liberté héritée des Lumières doit rester au fondement de nos approches et de nos pratiques pédagogiques, dès lors que nous savons pouvoir compter sur la confiance de nos inspecteurs.
L’abandon des E3C est donc bien une mesure de sagesse qui devrait profiter à tous les acteurs du monde scolaire : personnels de direction, élèves, parents et enseignants.
Nous ne pouvons que la saluer, l’idéal étant maintenant qu’elle soit complétée par le retour d’une épreuve écrite nationale d’histoire-géographie en fin de Terminale, seul moyen d’assurer une véritable égalité des candidats face à l’examen.
Franck Schwab
Président de la Régionale de Lorraine de l’APHG
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