La présente publication est la revue trimestrielle de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) dont les membres sont très impliqués dans le Concours de la Résistance et de la Déportation comme dans l’enseignement du "fait résistant" et de la Seconde Guerre mondiale, au gré des différents programmes qu’ils doivent suivre dans leurs cours de collège et de lycée.
Citons notamment sa nouvelle présidente, Joëlle Alazard, qui a été récemment interviewée dans notre journal, et le rédacteur en chef de sa revue, Marc Charbonnier, qui a beaucoup oeuvré, depuis plusieurs années, pour faire d’Historiens & Géographes un outil de grande qualité et établir des liens étroits entre le monde enseignant et le monde des associations mémorielles.
Ce numéro est pourtant le dernier qu’il a dirigé car il a dû se tourner depuis - hélas pour nous - vers d’autres cieux.
En guise d’adieux, il nous laisse ici un très riche dossier sur les « Femmes en Résistance »
Les différents articles qui le composent posent tous, en filigrane, la question de la place occupée par les femmes au sein de la Résistance française.
A-t-elle été mineure, comme beaucoup de gens continuent encore de le penser, ou a-t-elle jusqu’à présent été scandaleusement minorée tant par les acteurs masculins de la Résistance que par la communauté historienne ?
A lire les onze articles qui abordent le sujet, tout dépend en fait de la définition qui est donnée de la Résistance.
Si on la considère, dans une vision aujourd’hui bien dépassée - mais qui a encore quelques partisans au sein des cercles "virilistes" - comme un phénomène uniquement politique et militaire, les femmes n’y ont joué qu’un rôle très secondaire en dépit de leur implication importante dans les premiers réseaux de résistance ("Le rôle des femmes dans la résistance pionnière", Julien Blanc), de l’engagement d’une poignée d’entre elles comme membres combattantes des services secrets gaullistes ("Les femmes dans la France Libre : le Corps des Volontaires françaises", Sébastien Albertelli) et de leur participation indéniable à la libération de Paris ("Le rôle des femmes dans la libération de Paris", Isabelle Mons).
Si, par contre, on considère que la Résistance a aussi été un phénomène social, les femmes sont alors absolument partout.
Deux articles nous éclairent particulièrement à ce propos.
Celui de Fabrice Grenard d’abord ("Les maquis : un univers masculin où les femmes ne sont pas totalement absentes") qui démontre par a+b que sans les "civiles" qui assuraient le ravitaillement et les agentes de liaison qui maintenaient le lien avec la direction extérieure des maquis, la résistance militaire que ceux-ci ont menée n’aurait jamais pu exister.
Celui de Catherine Lacour-Astol ensuite qui interviewe la grande historienne Claire Andrieu ("L’histoire des résistantes, un chantier en renouvellement"). Cette dernière lui révèle que si la France n’a délivré une carte de Combattant volontaire de la Résistance qu’à 10% de femmes, les Alliés en ont officiellement reconnu un nombre bien plus élevé (30%) parmi les "helpers" qui ont aidé à l’évasion de leurs aviateurs tombés sur le sol français.
"L’occupant considérait l’aide aux Alliés comme un acte de guerre, punissable de la peine de mort" rappelle Claire Andrieu.
L’historienne enfonce le clou en revenant, pour finir, sur l’opposition qu’elle juge discutable entre la résistance militaire - qui aurait été celle des hommes - et la résistance civile - qui aurait été celle des femmes : "Si l’on considère la violence de la répression qui s’abat sur la Résistance, l’expression de résistance civile, par opposition à résistance militaire, a aussi quelque chose d’insatisfaisant.
L’asymétrie du combat résistant entre des volontaire sans armes le plus souvent et une police et une armée surarmées rend l’adjectif "civil" incongru.
En outre, même les activités civiles des résistantes au foyer avaient une finalité militaire : il s’agissait de rendre au combat les Alliés tombés. La Résistance est une guerre de citoyens, une guerre citoyenne, pourrait-on dire."
Une guerre de citoyen.nes ! Tout est dit.
On est bien ici dans une approche politique et sociale du phénomène résistant qui lui rend aujourd’hui sa vérité pleine et entière.
On peut dès lors en conclure qu’en dépit d’une approche "genrée" de la période à laquelle les articles de ce dossier n’échappent pas tous - courant d’études dominant, oblige - l’histoire des résistantes françaises n’a pas été si différente que cela de l’histoire des résistants français, même si beaucoup d’efforts restent encore à faire pour sortir de "l’histoire-bataille" et rendre les résistantes visibles dans l’enseignement secondaire de la discipline, comme le souligne avec beaucoup de justesse le dernier article du dossier ("Rendre visibles les résistantes, enseigner la Résistance féminine, pistes et enjeux", Catherine Lacour-Astol).
Au travail, chers professeurs !
Franck Schwab
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