Ce très bel ouvrage collectif, dans lequel chaque mot pèse son poids de sang et de souffrance vécue, nous rappelle que le siècle du camp de concentration de Ravensbrück a d’abord été, au sens le plus large, celui du nazisme qui chercha à éliminer par l’assassinat, la faim, le travail et le désespoir organisé toutes les personnes qui se dressaient contre lui en Europe.
Mais il nous rappelle aussi que le siècle de Ravensbrück a aussi été, dans un sens plus précisément génocidaire, celui d’Auschwitz, l’un des auteurs citant à juste propos Pierre Vidal-Naquet pour qui si l’on prend le système concentrationnaire comme un tout, on verra qu’il n’y eut guère de centre de concentration et de travail qui n’aient leur dimension exterminatrice et qui soulignait qu’ Auschwitz et Ravensbrück sont des lieux qui communiquaient. Car, même si ce fut dans des proportions incommensurablement moindres, on gaza aussi à Ravensbrück ; et même si Mengele n’y sévissait pas, on y procéda aussi à de pseudo "expériences médicales" sur les détenues.
Mais le siècle de Ravensbrück ne s’arrêta pas en 1945 car il fut encore le siècle du Goulag soviétique dont la réalité de l’existence déchira les anciens déportés dans l’immédiat après-guerre, des amitiés infrangibles forgées dans la Résistance se brisant pourtant pour toujours à ce moment-là à travers différents procès.
Au niveau national, le siècle de Ravensbrück fut enfin le siècle des camps de regroupement de la guerre d’Algérie et surtout des centres de torture qui leur étaient proches et dans lesquels des militaires français se comportèrent comme des nazis, à la stupéfaction sûrement un peu naïve d’anciennes déportées qui s’étaient battues quinze ans plus tôt pour une autre idée de la France.
Tous les aspects de ce siècle terrible sont abordés à travers différents témoignages, toujours justes et sensibles, au sein desquels domine la figure majeure de Germaine Tillon qui sert de "fil rouge" à la plupart des articles.
Quatre-vingt ans après les faits, les anciennes déportées de Ravensbrück jouent encore pour nous le rôle de "lanceuses d’alerte" et elles nous prouvent ici sans conteste qu’elles ont réussi leur "ultime sabotage".
Gloire soit mille fois rendue à ces femme exceptionnelles. Mais saurons-nous nous mettre à leur niveau pour en tirer collectivement profit dans ce XXIème siècle qui commence si mal ?
La réponse à cette question ne dépend plus d’elles...
Franck Schwab
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