A partir des sources judiciaires de l’officialité de Toul et de la Cour souveraine de Lorraine et de Barrois (sise à Nancy), l’auteure porte son regard sur la violence féminine au sein du couple à l’intérieur d’une société d’Ancien Régime pour laquelle l’épouse doit être "douce et soumise" en toutes circonstances tandis que la "correction maritale" apparait pleinement justifiée dès lors qu’elle ne dépasse pas certaines limites dans la cruauté.
Que la femme puisse se rebeller contre l’autorité de son mari dans une société "patriarcale" au caractère si ouvertement assumé est un premier scandale pour les contemporains. Que, dans des cas exceptionnels, la femme en vienne à "corriger" elle-même son mari, voire à l’assassiner, en est un second, absolument intolérable.
Or, l’auteure montre que les cas de rébellion féminine ne sont pas rares dans le Toulois et la Lorraine ducale du XVIIIème siècle.
Certains sont pourtant acceptés par la justice lorsque l’épouse, d’un rang supérieur à son mari, demande une séparation de biens ou de corps ; ou lorsque l’épouse, d’un rang égal à son mari, demande l’annulation du mariage pour cause d’impuissance, la procréation étant alors considérée comme le but premier du mariage.
Mais de telles affaires mettent aussi en évidence des formes de "violences" féminines (sarcasmes, injures, infidélités, abandons de domicile) mal acceptées par les contemporains car dérogeant aux codes sociaux et à l’image de l’épouse idéale.
D’autres affaires judiciaires enfin, beaucoup plus rares, concernent des violences physiques exercées par des femmes contre leur mari.
L’auteure s’attarde longuement sur deux d’entre elles : l’une de "légitime défense", l’épouse finissant par répondre par la violence à un époux extrêmement violent ; l’autre, de pur sadisme, l’épouse s’étant acharnée pendant plusieurs années sur un malheureux sans défense qu’elle finit par assassiner après l’avoir longuement torturé avec la complicité de ses enfants d’un premier lit.
La violence la plus extrême et la plus gratuite existait donc aussi chez les femmes de cette époque, nous fait comprendre l’auteure, même si la reconnaissance d’un tel fait était, alors comme aujourd’hui, totalement tabou.
Il fallut en effet qu’il y eut assassinat pour que la justice intervienne alors que le malheureux mari avait été martyrisé pendant douze ans au vu et au su de tout le bourg de Gondreville où vivait le couple.
Et c’est le dernier enseignement que nous apporte ce travail : la société n’était pas tendre pour les maris qui ne savaient pas "tenir" leur femme, les stéréotypes sociaux et à travers eux l’ordre "patriarcal" s’en retrouvant ébranlés.
Une étude magistrale qui nous fait entrer de plain-pied au coeur des rapports de genre dans cet Ancien Régime finissant, à la fois si proche et si lointain de nous.
Franck Schwab
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