L’ouvrage nous fait entrer dans l’intimité d’une famille de magistrats nancéiens à travers l’analyse des Journaliers que trois de ses membres ont tenu entre 1672 et 1786 ; le père, le fils et le petit-fils.
Très peu de confidences personnelles et d’épanchements sentimentaux dans ces journaux (ce n’est pas l’époque) mais la tenue assez sèche des naissances, des mariages et des décès qui rythment les jours et les années ; à quoi s’ajoute l’exposition des liens de parenté et l’évocation, en arrière-plan, des grands événements d’un siècle qui voit le duché de Lorraine entrer définitivement dans l’orbite française.
Cette famille de magistrats a pour originalité d’être d’origine "étrangère", puisqu’elle vient du Bas-Languedoc, et de noblesse récente, puisqu’elle n’a été anoblie qu’en 1673.
L’ouvrage est donc d’abord le récit d’une ascension sociale au service concomitant des rois de France et des ducs de Lorraine, la fidélité passant progressivement des seconds aux premiers sur l’ensemble du siècle.
Il est ensuite le récit d’une intégration réussie à un territoire, la Lorraine, et à une classe sociale, l’aristocratie, la famille adoptant progressivement tous les codes de la grande noblesse, même si elle ne parviendra jamais à pénétrer dans le "premier cercle" de l’aristocratie locale.
Il est enfin une belle incursion dans l’univers mental des magistrats qui, s’ils ont le catholicisme chevillé au corps - et semblent en conséquence peu influencés par le mouvement des Lumières - se tiennent néanmoins très informés des controverses de leur temps (sur le protestantisme ou le jansénisme en particulier) et pour qui la culture comme l’éducation sont des valeurs fondamentales.
L’auteure termine son ouvrage en appelant les chercheurs à explorer le versant public de ces personnages dont elle a si bien réussi à explorer le versant privé.
On ne peut que souhaiter qu’elle soit entendue.
Franck Schwab
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