« Dans nos écoles et nos lycées, nombre de professeurs, sans trop le savoir et même croyant bien faire, cherchent à diminuer la valeur des jeunes gens en enlevant la force et l’originalité à leur pensée, en leur donnant à tous même discipline et même médiocrité !
Il est une tribu des Peaux-Rouges où les mères essaient de faire de leurs enfants, soit des hommes de conseil, soit des guerriers, en leur poussant la tête en avant ou en arrière par de solides cadres de bois et de fortes bandelettes ; de même des pédagogues se vouent à l’oeuvre fatale de pétrir des têtes de fonctionnaires et de sujets, et malheureusement il leur arrive trop souvent de réussir.
Mais après les dix mois de chaîne, voici les heureux jours des vacances : les enfants reprennent leur liberté ; ils revoient la campagne, les peupliers de la prairie, les grands bois, la source déjà parsemée des feuilles jaunies de l’automne ; ils boivent l’air pur des champs, ils se font un sang nouveau et les ennuis de l’école seront impuissants à faire disparaître de leur cerveau les souvenirs de la libre nature.
Que le collégien sorti de la prison, sceptique et blasé, apprenne à suivre le bord des ruisseaux, qu’il contemple les remous, qu’il écarte les feuilles ou soulève les pierres pour voir jaillir l’eau des petites sources, et bientôt il sera redevenu simple de coeur, jovial et candide. »
Elisée Reclus in La source et autres histoires d’un ruisseau, p. 15-16, Folio, 2021 (1ère édition, 1869).
Post Scriptum : Pour rebondir sur les propos du grand géographe, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises méthodes pédagogiques, il n’y a que de bons ou de mauvais pédagogues !
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