De l’eau dans le gaz ukrainien...

Les origines de l’inimitié trumpienne à l’égard de Volodymyr Zelensky
lundi 5 mai 2025
par  Franck SCHWAB
popularité : 68%

racontées par Régis Genté dans "Notre homme à Washington", Grasset, 2024, (pages 186 à 189), 20 euros.

Donald Trump n’a que mépris pour les petites nations et admiration pour les grandes puissances.

Son coeur bat du côté de la Russie, pas de l’Ukraine.

De la même façon, il n’aime que les hommes forts.

Beaucoup de ses conseillers ont été surpris par les « relations étranges de Trump avec les puissants, il préfère toujours traiter avec eux » relève Maggie Haberman [in Confidence Man, 2022].

Bref, plutôt jouer en faveur de Vladimir Poutine que de Volodymyr Zelensky.

En outre, les relations entre le président ukrainien et Trump sont entachées par un épisode que le second, de tempérament vindicatif, n’a pas oublié.

L’affaire l’Ukraine gate remonte à 2020, quand Trump briguait son premier second mandat, dans une campagne difficile, face à des démocrates déterminés et qui avaient retenu les leçons de 2016.

Zelensky refuse alors à Trump une faveur dont le candidat républicain pensait qu’elle lui donnerait un avantage décisif contre son concurrent démocrate, Joe Biden.

Il faut remonter à la présidence Obama, période pendant laquelle Biden est très impliqué dans la question clé de la réduction de la dépendance de l’Ukraine à l’énergie russe.

Son fils, Hunter, est devenu en 2014 membre du conseil d’administration de Burisma, une société ukrainienne active dans... le gaz.
Un secteur auquel Biden Jr. ne connaît rien, dans un pays où il n’a jamais mis les pieds.

Sans doute n’y a-t-il rien d’immédiatement politique dans cette affaire, plutôt l’idée d’un petit oligarque local se disant qu’avoir dans son équipe un tel « fils de » ne pouvait que lui profiter.

Malheureusement pour lui, le procureur général d’Ukraine, Viktor Chokine, diligente en 2015 une enquête sur Burisma.

Pire encore, en janvier 2018, lors d’un débat organisé par un think tank à Washington, l’imprudent Joe Biden, « Joe la gaffe » de son surnom, fait une confidence surprenante :

« Je me souviens être allé en Ukraine douze ou treize fois. Une fois, j’ai dit au Premier ministre Iatseniouk et au président Porochenko que je ne débloquerais pas le milliard de dollars de garantie de prêts si le procureur Chokine n’était pas viré dans les six heures. Six heures plus tard, ce fils de pute était viré. »

Un aveu embarrassant et du pain béni pour le camp Trump qui va chercher à exploiter l’affaire à des fins électorales.

Dès l’accès de Zelensky à la présidence ukrainienne, en mai 2019, lui et son équipe sont pris d’assaut par les hommes de Trump.

Des conseillers, avocats, diplomates et autres intermédiaires douteux cherchent à obtenir du gouvernement ukrainien des signes contre le clan Biden.

L’inexpérimenté Zelensky est embarrassé. Econduire les émissaires de Donald Trump peut coûter très cher.

Mais si les démocrates gagnent, il sera tout aussi fâcheux d’avoir pactisé avec leur adversaire.

Le dossier stagne, au grand dam du président Trump.

Alors, en juillet 2019, il décroche son téléphone pour demander à Zelensky une petite faveur :

« On parle beaucoup du fils de Biden, du fait que Biden a arrêté la procédure, et beaucoup de gens veulent savoir. Ce serait formidable si vous pouviez faire quelque chose avec le procureur général. (...) Biden s’est vanté d’avoir arrêté l’accusation, alors si vous pouviez vous renseigner ? »

Trump veut que Zelensky fasse ouvrir une procédure contre Hunter Biden : ce serait un argument de campagne massif.

Zelensky louvoie, noie le poisson...

Mais quelques semaines plus tard, fin septembre 2019, il se trouve face à Trump, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. C’est son baptême du feu sur la scène internationale.

Et quel baptême !

La presse révèle alors que le président américain aurait ordonné à son chef d’état-major de suspendre le déblocage d’une aide militaire d’un montant de 400 millions de dollars votée pour l’Ukraine.

Du chantage pur et simple.

Devant une horde de caméras venue couvrir la conférence de presse Zelensky-Trump au Lotte New York Palace Hotel, le président ukrainien assure qu’il n’a subi aucune pression. « La seule personne qui peut faire pression sur moi, c’est mon fils de six ans », déclare-t-il.

Trump insiste sur les seuls points qui l’intéressent : l’Ukraine doit progresser au sujet de la paix au Donbass et elle doit lutter contre la corruption.

Lutter contre la corruption... sous-entendu pour l’aider à abattre son adversaire, Joe Biden.

Mais rien à faire, Zelensky continue à louvoyer, et il insiste sur son refus d’être « impliqué dans une élection démocratique, ouverte... une élection aux Etats-Unis ».

Cet épisode n’est peut-être que du passé. [...].

Depuis la fameuse scène du bureau ovale, nous pouvons dire sans conteste que non (le livre de Régis Genté a été publié en octobre dernier).
Outre le passage retranscrit ici, l’ouvrage - très sérieux - dit beaucoup de choses sur la fascination de Donald Trump pour le monde russe et les multiples connexions qui ont existé depuis cinquante ans entre lui et ses représentants.
Alors, Donald Trump, honorable correspondant du KGB ou fourrier inconscient des intérêts russes ?
L’ouvrage ne tranche pas et avoue ne pas pouvoir le faire.
Mais il dresse un tableau sans fard du caractère de l’homme et de l’univers mental dans lequel il évolue.
Au lecteur de juger sur pièces !
Post-Scriptum : Si le "patriote" isolationniste Trump a l’intention de détacher la Russie de la Chine en lui sacrifiant l’Europe, c’est mal parti puisque Xi Jinping va venir passer trois jours pleins à Moscou les 7, 8 et 9 mai prochains pour participer à la grande fiesta de la victoire sur le nazisme (auquel le regime ukrainien actuel est directement assimilé par la propagande russe). Champagne !
FS


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