Le « nazisme » n’est qu’une enveloppe discursive, pour gagner la loyauté, l’adhésion du peuple [russe] et achever, à son insu, un but plus grand.
Pour peu que le projet impérialiste ne suffise pas à fédérer ; pour peu que le discours de « rassemblement des terres légitimes », et celui des « valeurs traditionnelles » ne parviennent pas à justifier la violence, il fallait l’effigie indiscutable d’un ennemi.
Car si d’aucuns adhéreront au message par le coeur, d’autres pourraient en contester le bien-fondé par une rationalité élémentaire : les prétentions territoriales sur la base de cartes redessinées à travers l’Histoire au gré des conquêtes sont par nature fallacieuses.
Dans les prescriptions poutiniennes, l’impérialisme est ainsi diffus ; il est la substance active de la pilule, la partie « positive » du mythe.
Mais pour se laisser emplir de « libre loyauté » 1, et guider par un tyran, le peuple doit, surtout, ressentir la peur, et la haine que celle-ci engendre.
Les excipients pour faire passer la pilule de l’impérialisme sont frontaux, agressifs et éhontés ; partie « négative » du mythe, ils engendrent la réaction vitale la plus efficace : celle de la bête traquée, tapie derrière son « défenseur ».
L’épouvantail de l’ennemi nazi catalyse toutes les peurs et les frustrations d’une Russie en sempiternelle souffrance, mais dont les Russes ne peuvent adresser leur rancoeur à celui qui les cause.
L’ennemi, on doit l’anéantir pour survivre, son seul but à lui étant d’anéantir la Russie : le « terroriste » tchétchène hier, le « nazi » ukrainien aujourd’hui.
Cette partie là du discours n’a pas beaucoup changé depuis la guerre de Tchétchénie, mais l’agent du KGB qu’était Poutine a trouvé un fondement idéologique positif à son action.
1 [formule d’Ivan Ilyne (1883-1954), philosophe d’inspiration ouvertement fasciste et pourtant penseur favori de Vladimir Poutine dont l’auteure nous dit qu’il a fait rééditer le recueil La Russie nationale. Nos missions en 2021 et qu’il avait auparavant fait rapatrier le corps depuis la Suisse pour l’inhumer au monastère Donskoï à Moscou « aux côtés d’un autre idéologue de la renaissance russe impériale, rapatrié post mortem de France cinq ans plus tôt, Ivan Chemliov. Ce dernier était un fervent soutien de Hitler en qui il voyait l’envoyé de "Dieu" pour "libérer" la Russie des bolcheviques », l’auteure concluant à propos de Vladimir Poutine qu’il n’est pas seulement un « cynique » mais que « l’impérialisme fascisant relève de sa conviction profonde ».
Bref, les vrais "nazis" ne sont pas où on les attend et ne sont certainement pas en tout cas ceux que le pouvoir russe désigne comme tels ! FS.]
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