Toutefois les révolutions ne sont pas nécessairement un progrès, de même que les évolutions ne sont pas toujours orientées vers la justice.
Tout change, tout se meut dans la nature d’un mouvement éternel, mais s’il y a progrès il peut y avoir aussi recul, et si les évolutions tendent vers un accroissement de vie, il y en a d’autres qui tendent vers la mort.
L’arrêt est impossible, il faut se mouvoir dans un sens ou dans un autre, et le réactionnaire endurci, le libéral douceâtre qui poussent des cris d’effroi au mot de révolution marchent quand même vers une révolution, la dernière, qui est le grand repos.
La maladie, la sénilité, la gangrène sont des évolutions au même titre que la puberté.
L’arrivée des vers dans le cadavre, comme le premier vagissement de l’enfant, indique qu’une révolution s’est faite.
La physiologie, l’histoire, sont là pour nous montrer qu’il est des évolutions qui s’appellent décadence et des révolutions qui sont la mort.
L’histoire de l’humanité, bien qu’elle ne nous soit à demi connue que pendant une courte période de quelques milliers d’années, nous offre déjà des exemples sans nombre de peuplades et de peuples, de cités et d’empires qui ont misérablement péri à la suite de lentes évolutions entraînant leur chute.
Multiples sont les faits de tout ordre qui ont pu déterminer ces maladies de nations, de races entières.
Le climat et le sol peuvent avoir empiré, comme il est arrivé certainement pour de vastes étendues dans l’Asie centrale, où lacs et fleuves se sont desséchés, où des efflorescences salines ont recouvert des terrains jadis fertiles.
Les invasions de hordes ennemies ont ravagé certaines contrées, tellement à fond qu’elles en restèrent désolées à jamais
Cependant mainte nation a pu refleurir après la conquête et les massacres, même après des siècles d’oppression : si elle retombe dans la barbarie ou meurt complètement, c’est en elle et dans sa constitution intime, non dans les circonstances extérieures, qu’il faut surtout chercher les raisons de sa régression et de sa ruine.
Il existe une cause majeure, la cause des causes, résumant l’histoire de la décadence.
C’est la constitution d’une partie de la société en maîtresse de l’autre partie, c’est l’accaparement de la terre, des capitaux, du pouvoir, de l’instruction, des honneurs par un seul ou par une aristocratie.
Dès que la foule imbécile n’a plus le ressort de la révolte contre ce monopole d’un petit nombre d’hommes, elle est virtuellement morte ; sa disparition n’est qu’une affaire de temps.
La peste noire arrive bientôt pour nettoyer cet inutile pullulement d’individus sans liberté. Les massacreurs accourent de l’Orient ou de l’Occident, et le désert se fait à la place des cités immenses.
Ainsi moururent l’Assyrie et l’Egypte, ainsi s’effondra la Perse, et quand tout l’Empire romain appartint à quelques grands propriétaires, le barbare eut bientôt remplacé le prolétaire asservi.
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