Sur les deux sens du terme "libéralisme" aux Etats-Unis et en Europe

Bonnes pages du livre de Catherine Audard "Qu’est-ce que le libéralisme ?", Folio essais, 2009.
jeudi 16 janvier 2025
par  Franck SCHWAB
popularité : 12%

Si le livre est déjà un peu ancien, son propos reste fort actuel et peut être très utile dans l’approche des questions politiques à traiter, notamment en HGGSP.

Les pages citées sont les pages 14 à 16 de l’ouvrage.

FS

Aux Etats-Unis où les trois familles politiques - conservateurs, libéraux et radicaux - sont différentes de celles de l’Europe continentale et ne peuvent guère se définir qu’à travers leurs relations mutuelles, le libéralisme occupe à peu près le terrain de la gauche au sens européen et il est représenté par l’aile social-démocrate du Parti démocrate.

Il se définit par la défense de l’Etat-providence et des interventions de l’Etat en matière de santé, d’éducation, d’urbanisme et d’environnement, et par des impôts élevés.

Il est l’avocat des minorités ethniques et de la « discrimination positive » en leur faveur (affirmative action).

Il défend par ailleurs les minorités sexuelles et se montre partisan de la légalisation des mariages "gays" et du droit à l’adoption pour les couples homos.

Il défend les droits des femmes, le droit à l’avortement au nom de la liberté des femmes à disposer de leur corps et il est de tous les combats en faveur des droits civils : la déségrégation dans les années 60, les immigrants clandestins maintenant.

Mais tous ces combats sont menacés par la montée du conservatisme religieux et social. [...]

Pour les conservateurs, le libéralisme, héritier de la libéralisation des moeurs de l’après-68, est destructeur de la famille, du principe d’autorité ; il est source de permissivité et de promiscuité, en matière sexuelle notamment.

Sur le plan religieux, en prêchant la prétendue neutralité de l’Etat, il prend parti contre les valeurs religieuses et apparaît incompatible avec leur popularité croissante.

Il est également le symbole du Big Government, d’administrations dépensières dont les largesses ne bénéficient qu’à une frange de la population qui ne "mérite" même pas l’aide de la société.

Il suscite une haine qui rappelle l’époque McCarthy, les inquisitions et les chasses aux sorcières contre les « activités anti-américaines » et le communisme, haine que l’on a du mal à imaginer.

Mais cette situation des libéraux face aux conservateurs est spécifique du monde nord-américain.

En Europe, la situation est inverse : le libéralisme se voit honni, mais pour des raisons diamétralement opposées et essentiellement par la gauche.

On constate ainsi que le terme de libéralisme n’a de sens politique que relationnel, en fonction de l’existence ou de l’absence d’autres mouvements politiques et sociaux, en particulier de mouvements ouvriers solidement constitués et de partis communistes ou socialistes implantés depuis le XIXème siècle.

Le libéralisme y est le plus souvent assimilé aux ravages du capitalisme avancé, de la globalisation, de politiques économiques qui ont visé à détruire les avancées de l’Etat-providence.

Il est confondu avec l’ultra-libéralisme d’un Milton Friedman, inspirateur des politiques économiques "de droite" des dirigeants conservateurs, de Reagan à Thatcher, qui auraient même contaminé le New Labour de Tony Blair en Angleterre.

Il y est perçu comme l’ennemi de toutes les forces de progrès social et de justice, le responsable du chômage et de la baisse du niveau de vie, l’agent de destruction du tissu social traditionnel, de ses solidarités, de ses systèmes de protection des personnes, qu’il s’agisse du chômage, de la maladie, de la vieillesse, etc.

Les impératifs économiques imposés au nom du libéralisme et véhiculés par ses représentants internationaux - FMI, Banque mondiale, OMC, etc. - conduiraient au malheur et à l’appauvrissement des pays concernés, détruiraient leurs économies traditionnelles et empêcheraient leur décollage économique. C’est « l’horreur économique » décrite entre autres avec beaucoup de succès par Viviane Forrester.

Enfin, à cause de sa collusion avec la globalisation et le capitalisme international, le libéralisme est perçu comme l’ennemi de la nation.

C’est un mode de pensée et de raisonnement étranger aux traditions nationales en raison de ses origines étrangères, essentiellement anglo-américaines. La menace de l’américanisation est renforcée par la menace de la mondialisation.

Le libéralisme porterait atteinte à la souveraineté et à l’intégrité nationales et entraverait le rôle protecteur de l’Etat.

En se réclamant de l’individualisme et de la recherche sans limite du profit, il dissoudrait les solidarités traditionnelles qui permettent les redistributions dans le cadre national.


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