Sur l’emplacement de l’ancien Vel’ d’Hiv’, une plaque rappelle aujourd’hui que « Dans le Vélodrome d’Hiver qui s’élevait ici, 4115 enfants, 2916 femmes, 1129 hommes furent parqués dans des conditions inhumaines par la police du gouvernement de Vichy sur ordre des occupants nazis » avant d’être « déportés à Auschwitz ».
Qui a vraiment été responsable de cette tragédie ?
Le gouvernement de Vichy - gouvernement à la solde des occupants - comme le dit la plaque, ou la "France" - c’est-à-dire la nation française, le peuple français dans son ensemble - comme le disent, avec une belle unanimité, tous les présidents de la République depuis le fameux discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 qui pointa pour la première fois une "faute collective" (« La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là accomplissait l’irréparable. ») ?
C’était alors faire bon marché du rôle joué par la Résistance pendant la guerre même si, avec un zeste de schizophrénie, le président Chirac rappelait, dans le même discours, l’existence d’une France résistante à Londres et « dans les sables libyens ».
En 2012, l’un de ses successeurs, François Hollande, crut même distinguer une troisième France, celle des collaborationnistes de Paris (les gangsters Bonny et Lafont représentatifs des Français de l’époque ?).
Pour François Broche qui souligne ces incohérences, comme pour Braudel qu’il cite et comme pour Clemenceau qu’il ne cite pas (« La France, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’Humanité, sera toujours le soldat de l’Idéal »), il ne peut y avoir qu’une seule France, et soit celle-ci était à Vichy au moment de la rafle du Vel’ d’Hiv’, soit elle était à Londres (et dans la résistance intérieure).
Si elle était à Vichy, cela signifie que le régime du maréchal Pétain était légitime. Et s’il était légitime, c’est qu’on considère d’une part que le maréchal Pétain est arrivé au pouvoir en juin 1940 dans des conditions "normales" ; d’autre part qu’il était soutenu - encore au milieu de l’année 1942 - par la majorité des Français dont il a cherché à exaucer les voeux en livrant les Juifs aux Allemands (ce qu’a remis en cause Pierre Laborie dans "L’opinion française sous Vichy", 1990).
Si la France était bien à Vichy, la France Libre a contrario ne pouvait être qu’illégitime, ce qui veut dire en bonne logique, pour reprendre les propos de Jean-Pierre Chevènement, que « Charles de Gaulle ne serait qu’un général dégradé, déserteur et condamné à mort par contumace. [...] Les résistants ne seraient que des terroristes. Les Juifs qui ont échappé aux rafles ne seraient que des délinquants s’étant soustraits à la loi. Les hommes de la Milice et de la LVF ne seraient que des anciens combattants, et ceux des maquis ou de la France Libre des rebelles. »
Mais peu importe cette argumentation imparable.
La doxa de la "faute collective", nous dit François Broche, est aujourd’hui devenue parole de vérité dans la République, au mépris de toute prise en compte de l’Histoire et de la Raison.
Il en va pourtant de l’honneur de la France et de l’honneur des Français qui se sont battus pour ce que celle-ci représente en tant que "soldat de l’Idéal" :
« Si la France était à Vichy, il fallait dire à ceux qui allaient se faire tuer de rester ches eux. [...] Des gens sont morts pour qu’on puisse avoir l’impression d’avoir gagné la guerre » a ainsi dit au procès Papon, en octobre 1997, le regretté Philippe Séguin qui savait de quoi il parlait puisque son père est tombé dans les combats de la Libération.
Le même ajouta quelques jours plus tard : « La pire menace qui puisse peser sur une démocratie, ce n’est pas la violence des armes, toujours ouverte et tangible, c’est la violence sournoise, insinuante, du mensonge ; c’est la manipulation des esprits, d’autant plus efficace et redoutable qu’elle revêt les oripeaux du moralisme. »
Un livre qui ne peut susciter qu’une très saine réflexion.
Franck Schwab
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