Le retour puis l’affirmation de la République à partir des années 1880 encouragent la pratique musicale, perçue comme une « utilité publique » [pour alléger le texte nous ne renverrons pas aux références donnée par l’auteur. Note du transcripteur]. Olivier Ihl écrit que les fanfares « furent d’emblée considérées par les républicains comme une institution éminemment moralisatrice ».
Dans une démarche de valorisation de la démocratie, les républicains voient plusieurs intérêts politiques dans la musique : premièrement, cette dernière aurait une « capacité à revitaliser le peuple » en fortifiant les poumons et autres organes vitaux ; deuxièmement, elle relierait les individus entre eux en dépit de leur hétérogénéité ; troisièmement, la IIIème République résultant d’un compromis, la musique devrait « aider le peuple à négocier ses conflits » en encourageant le consensus.
A partir de 1879, une véritable politique en faveur de la pratique musicale est mise en oeuvre. Des subventions sont allouées, via les préfectures, pour l’achat et l’entretien d’instruments, ainsi que pour les frais de déplacement des sociétés lors des concours.
Ceux-ci jouent un rôle déterminant dans l’essor et la qualité de la pratique musicale associative : le « véritable but d’un concours », ce sont « les progrès des Sociétés, le développement et la constatation de leurs connaissances musicales ; l’extension de leurs relations, à l’aide d’une louable et fraternelle émulation : leur union morale, artistique et intellectuelle ».
Les concours musicaux ont une organisation très cadrée, comprenant trois catégories d’exercices : la lecture à première vue, c’est-à-dire l’exécution d’un morceau découvert pendant le concours, l’exécution d’ensemble, sur un morceau, cette fois-ci, préparé lors des séances répétition de l’association, et la prestation soliste.
Dans l’esprit des promoteurs des concours de musique et du gouvernement républicain qui les subventionne, le jugement comparatif doit générer une émulation entre les sociétés et une impulsion à la création de nouvelles compositions.
Les concours de musique prennent place aux côtés de l’incitation scolaire, des récompenses sportives et des prix scientifiques dans la panoplie de la méritocratie républicaine, manière de façonner une « société des émules ». [...]
A partir de la fin des années 1870, l’instituteur devient un agent de la politique républicaine. L’émergence des sociétés musicales en est un marqueur fort.
Les instituteurs sont à l’initiative de l’essor de ces groupements associatifs. Ce sont souvent eux seuls qui font et signent la demande d’autorisation en préfecture, car dès la fondation l’instituteur tient une place centrale dans le fonctionnement de la société musicale.
Le plus souvent, lui est dévolue la fonction de chef de musique [...]. A défaut du maire ou d’une quelconque autre autorité locale, l’instituteur se retrouve souvent à la tête des sociétés musicales. [...] Les sociétés musicales sont donc aux mains d’un quasi-monopole enseignant. Ils les président relativement peu, mais en sont les chevilles ouvrières. [...]
Les sociétés musicales introduisent dans les campagnes un nouveau répertoire et de nouveaux instruments. Elles naissent très souvent au sein de la Garde nationale, associées aux corps des sapeurs-pompiers.
Cette origine les conduit à adopter, dans les premiers temps de leur existence, tout du moins, un répertoire militaire et à être soit des fanfares, c’est-à-dire des formations composées exclusivement de cuivres, soit des harmonies, formations où les cuivres sont associés aux bois.
A la fin du XIXème siècle, les oeuvres interprétées se partagent entre fonctionnalité, à l’exemple des marches, et divertissement. Quadrilles, polkas et mazurkas se diffusent dans les campagnes. Le rôle de la musique évolue : les morceaux exécutés ne sont pas destinés à être dansés.
L’auditoire se contente d’écouter, assis ou debout, à l’intérieur ou en extérieur, le plus souvent pendant une heure. Les représentations se font généralement l’après-midi, mais peuvent être décalées en soirée, à la belle saison où à l’occasion d’une fête particulière.
Quelques exemples pris dans différentes sociétés musicales du département de la Mayenne, sur trente ans, entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, montrent une très grande stabilité dans ce qui est proposé, tant au niveau de la structure d’ensemble que des morceaux. [...]
La marche d’entame est incontournable. D’origine militaire, elle s’oriente souvent vers une dimension plus divertissante avec les pas redoublés (ou marche double) et les allegros (marches à mouvement rapide).
Les oeuvres de divertissement, qui constituent l’essentiel des représentations, offrent une très grande variété : des danses de genre, très à la mode au XIXème siècle (polka, scottish, valse, mazurka, boléro, etc.), mais aussi des sélections ou des transcriptions d’oeuvres lyriques ou symphoniques (fantaisie, sérénade, rêverie, etc.).
La fête nationale du 14 juillet est l’occasion de conclure par La Marseillaise. Dans les années 1890, l’hymne russe est aussi fréquemment interprété pour célébrer l’amitié franco-russe.
Les oeuvres interprétées sont pour l’essentiel celle des compositeurs spécialisés dans la musique pour fanfares et harmonies.
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