« Moi, Bardella me fait un peu penser à Chirac, dit Florian Philippot à l’auteur de cet ouvrage. Il se remplit des éléments de langage du moment en fonction de l’actualité et des sondages ».
Comme Chirac en effet, le leader d’extrême-droite - l’auteur rappelle que l’appellation "extrême-droite" a été dernièrement reconnue tout à fait objective par le Conseil d’Etat pour désigner le Rassemblement National - comme Chirac donc, le leader d’extrême-droite est avant tout un tacticien qui n’a pas de véritable colonne vertébrale et qui sait, avec opportunisme, s’adapter à la situation du moment - dire blanc un jour, noir le lendemain - en fonction de ses seuls intérêts.
Comme Chirac aussi, Jordan Bardella est un "produit" car, de même que l’ancien chef du RPR fut "fabriqué" par Marie-France Garaud et Pierre Juillet dans l’ombre de Georges Pompidou, l’auteur montre que son clone actuel a été "fabriqué" par les spécialistes en communication du parti de Marine Le Pen.
Mais n’est pas "fabricable" qui veut ! Et l’on voit ici que Jordan Bardella a eu un vrai talent pour assimiler les leçons qui lui furent données et pour projeter au final une image qui n’appartient qu’à lui.
Comme Chirac encore, le leader d’extrême-droite présente une certaine raideur dans le comportement qui traduit l’hyper-contrôle qu’il a sur lui-même.
Comme Chirac enfin, il sait jouer à fond de ses avantages physiques pour séduire le public.
Mais la comparaison s’arrête là. Car le second a une face souterraine que n’avait pas le premier.
Cette "face cachée de la lune" est un tant soit peu révélée par l’auteur à travers le décalage majeur qu’il pointe entre les prises de position publiques de Jordan Bardella, notamment sur les réseaux sociaux dont il est un des rois - à propos de l’écologie, du droit des femmes, du progrès social ou de la Russie - et la réalité de ses votes au parlement européen (quand il s’y rend).
Elle est un tant soit peu révélée aussi à travers les liens d’amitié qu’il a découverts entre Jordan Bardella et certaines des figures les plus radicales de l’ex-Front National.
Elle est un tant soit peu révélée enfin à travers un vieux compte twitter aux positions extrémistes qu’il a identifié comme appartenant à Jordan Bardella et sur lequel ce dernier a projeté un efficace nuage de fumée dans TMP, l’émission de Cyril Hanouna, les autres médias n’ayant pas cherché à en savoir plus sur le sujet afin de ne pas avoir d’ennuis avec une personnalité déjà devenue puissante...
Que Jordan Bardella ait été "fabriqué" pour contribuer à dédiaboliser le Front National et pour servir de marchepied à Marine Le Pen dans sa conquête du pouvoir suprême est, au terme de cette lecture, une évidence.
Comme le dit l’un de ses anciens communicants : « Jordan Bardella, c’est un produit. Grattez-pas, y’a rien derrière, vous allez être déçu Le parti est complétement normalisé. On ne dit plus "les Noirs et les Arabes dehors". On dit les choses différemment. On nuance, on apporte un peu de bienveillance, un peu d’humain. L’idée in fine est la même mais on avance cette idée de manière différente. Et Jordan Bardella y participe évidemment ».
Reste à savoir si Bardella échappera à son Frankenstein et si, comme Chirac à tué le père, notre Rastignac d’extrême-droite saura tuer la mère.
Reste à savoir surtout si les Français le suivront comme les enfants de la ville allemande d’Hamelin suivirent, dans le conte du Moyen Age, le "joueur de flûte" (c’est le titre d’un chapitre du livre) qui sut les ensorceler par sa musique pour les conduire jusqu’au fleuve où il les noya.
Franck Schwab
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