« Ils sont venus pour [la] prendre / Ils parlent en allemand / L’un traduit Veux-tu te rendre ? / [Elle] répète calmement / Et si c’était à refaire / Je referais ce chemin / Sous vos coups chargés de fers / Que chantent les lendemains / [Elle] chantait sous les balles / Des mots sanglant est levé / D’une seconde rafale / Il a fallu l’achever / Une autre chanson française / A ses lèvres est montée / Finissant la Marseillaise / Pour toute l’humanité » écrivit Louis Aragon dans Ballade de celui qui chanta dans les supplices que l’on peut tout aussi bien réintituler Ballade de celle qui chanta dans les supplices à propos de la Marseillaise Berty Albrecht dont l’auteur nous rappelle que le corps fut inhumé au son de ce poème dans la crypte du Mont-Valérien le 11 novembre 1945.
Le livre raconte le parcours extraordinaire de liberté, d’anticonformisme et de courage (« La vie ne vaut pas chère, mourir n’est pas grave, le tout c’est de vivre conformément à l’honneur et à l’idéal qu’on se fait » écrivit-elle quinze jours avant sa disparition) d’une Marseillaise atypique - puisque née dans un milieu bourgeois, protestant et d’origine suisse allemande - qui, tout en restant jusqu’au bout une mère exemplaire, sut s’émanciper très tôt des siens pour suivre les chemins du patriotisme, de l’action sociale et du féminisme le plus affirmé, avant de devenir l’héroïne nationale que l’on connait à travers la fondation et le développement du mouvement Combat avec son compagnon Henri Frenay.
Si l’auteur ne cherche pas à retracer exhaustivement tous les épisodes de la vie de Berty Albrecht, il souligne les multiples liens qui l’unissaient à sa ville natale et il montre comment Marseille s’est tardivement mais entièrement réappropriée la mémoire de son héroïne.
Il nous fait comprendre en outre que cette mémoire n’est pas prête de s’éteindre car si la mémoire de Berty Albrecht profita, dès 1945, de sa proximité avec Henri Frenay, alors ministre des Prisonniers, des déportés et des réfugiés et grand ordonnateur de la cérémonie du 11 novembre 1945 ; si elle profita, à partir des années 1980, de sa proximité avec Danielle Gouze-Mitterrand dont les parents avaient hébergé la résistante juste avant son arrestation ; elle profite désormais pleinement de ses engagements féministes des années 1930 pour les libertés de contraception et d’avortement qui en font une grande figure de la cause des femmes et une prédecesseure reconnue de Simone Veil.
« Liberté ! Liberté chérie / Combat pour tes défenseurs ! » chantait, avant de mourir, Berty Albrecht ... « Pour toute l’humanité ».
La Marseillaise nous montre toujours aujourd’hui le chemin à suivre.
Franck Schwab
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