"Les juifs sont des hommes. Les juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier" fit dire en chaire à ses ouailles, le 23 août 1942, l’évêque de Toulouse, Mgr Saliège, qui entendait ainsi protester publiquement contre le "triste spectacle" de voir que les membres d’une même famille [sont] séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue" par la police française.
La rafle du Vel’d’Hiv’ contre les Juifs étrangers s’était produite en zone nord six semaines plus tôt et la grande rafle de la zone sud allait se produire trois jours plus tard.
Les sentiments de commisération et d’humanité que manifestait alors le prélat toulousain n’étaient pas vraiment ceux de Pierre Laval pour qui "[s’]il n’en va pas de la livraison des juifs comme de la marchandise d’un Prisunic où l’on peut prendre toujours autant de produits que l’on veut, toujours au même prix", les enfants devaient être déportés en même temps que leurs parents lors de ces deux rafles.
Sa demande fut entendue par les Allemands et son bras droit, René Bousquet, put - soulagé, on l’imagine - confier à d’autres évêques que les personnes arrêtées étaient toutes "destinées à disparaître du continent".
Il faut dire que dans l’esprit de ces "grands" Français, les juifs livrés aux nazis constituaient une catégorie d’immigrés proprement assimilable à de la racaille, Laval n’ayant pas hésité à employer dans un conseil des ministres (celui du 2 juillet) le terme de "déchets" pour les désigner.
D’autre part, dans un discours de septembre, il n’hésita pas non plus à justifier les déportations devant ses partisans en disant qu’avant celles-ci la France était devenue "le dépotoir de l’Europe".
Mais - magnifique exploit ! - il refusa provisoirement, en juillet 1942, de faire participer sa police à l’arrestation des Français israélites.
Ce refus permet aujourd’hui à un triste polémiste xénophobe et raciste de claironner sur une chaîne de télévision où on lui déroule en permanence le tapis rouge que "Pétain a sauvé les juifs français", ces mêmes juifs français que le ministère de la Justice du maréchal s’employait à déchoir par milliers de leur nationalité française pour les livrer le plus rapidement possible aux Allemands.
Et que Pétain, comme Laval, comme Bousquet soient complices de crimes contre l’humanité ne semble pas le déranger !
A quand un petit mot sur CNews en faveur de Maurice Papon, Monsieur Zemmour ?
Vivement le jour, en tout cas, où on pourra distinguer entre musulmans français et étrangers pour appliquer à ces derniers un traitement approprié dans une saine logique de prophylaxie nationale !
Nul doute alors qu’un futur maréchal Pétain pourra être crédité d’une action "généreuse" en faveur des "musulmans français" et que votre petit-fils en sera le thuriféraire !
On comprend donc que ce numéro de la Revue d’Histoire de la Shoah arrive particulièrement à point.
On croyait tout savoir sur le rôle joué par Vichy durant l’été 1942 mais on en apprend encore - et beaucoup - grâce à la très grande qualité du dossier préparé et coordonné par l’historien Laurent Joly.
On y apprend beaucoup, également, sur le rôle joué par l’opinion publique. Et c’est là, peut-être, où les progrès de l’historiographie sont les plus importants. Car quasiment toutes les contributions - en particulier, celle lumineuse de Jacques Semelin - démontrent sans conteste que les juifs de France ont été sauvés en dépit de Vichy, contre Vichy même ...
Encore une pierre dans le jardin de Monsieur Zemmour !
Un numéro à se procurer absolument. Pour mieux faire taire les insupportables défenseurs du gouvernement de Vichy et de sa prétendue politique du "moindre mal". Pour mieux réduire au silence les vieilles sirènes du négationnisme.
Franck Schwab
Président de la Régionale de Lorraine de l’APHG
Membre du Conseil de Gestion de l’APHG
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